Malgré tout, nous tiendrons bon !

Haaa ! C’est si bien les vacances ! On peut revoir les vieux amis, s’asseoir autour d’un bon barbecue, discuter du bon vieux temps et refaire le monde ! Pour le responsable d’association que je suis, c’est aussi le moment de répondre aux questions des uns et des autres, de faire le point sur la perception que les gens ont de notre action. Hé bien ! J’ai été servi !

A entendre ceux qui se soucient pour le mieux de ma santé mentale, et que je remercie chaleureusement au passage, il faudrait que nous rendions les armes, que nous cessions le combat, que nous voguions vers des eaux plus calmes, que nous rejoignions des causes plus sérieuses, bref… que nous cessions ce combat désespéré pour l’art authentique.

Les arguments inquiets sont légions.

D’aucuns disent que devant la puissance de feu de l’anart (pour savoir pourquoi je préfère le terme de Marcel Duchamp « anart » à « art contemporain », lire ma chronique précédente ou rendez-vous sur le site sauvonslart.com ! dans l’article « vive l’art contemporain ! »), leurs milliards d’euros, leurs milliers d’agences de communication (ce qui ne les empêchent pas de hurler sans cesse au retour de la censure, mouhahahaha !), leurs liens étroits avec les États, leurs millions de revues sympathisantes, nous ne pesons rien.

D’autres rajoutent que les donateurs sympathisants préfèrent de loin financer par centaines de milliers d’euros les associations de défense de l’éducation libre, grandes gagnantes du système de dons, plutôt que d’investir dans un combat perdu d’avance. Quelques uns d’entre eux raillent même nos quelques pauvres euros en répétant d’un air docte que « l’argent est le nerf de la guerre. »

Certains encore jouent les intellectuels, en disant que l’art contemporain n’est pas mauvais en soi, que sa réputation est simplement victime de ses dérives, que l’art a toujours été subversif, que notre combat est passéiste.

Il en est (ceux-là sont généralement fort aigris) pour pointer du doigt les divisions qui règnent dans la dissidence, où chacun veut être celui qui sauva la France, qui déplore ce petit village gaulois aux mille chefs, et qui conclue les bras ballants que seule l’unité nous sauvera. L’un d’entre eux m’a même avancé pour preuve que, malgré notre combat acharné et les articles que nous publions quasi- quotidiennement, aucun média « ami » ne voulait relayer notre action, certains décidant même volontairement de faire silence sur notre existence.

On objecte également que la préoccupation des gens n’est pas à cette futilité de l’art, obnubilés qu’il sont par le vide de leur portefeuille et par le musulman caché derrière leur canapé, le couteau entre les dents… C’est la crise Monsieur, bientôt la guerre civile !

J’ai même entendu que le jour où les gens se sentiront concernés par le problème, il y aura toujours un ou deux de ces libéraux, infatigables renifleurs de pognon, pour récupérer notre combat en le caricaturant.

On me dit enfin que la lutte pour un art plus beau est estampillé d’extrême droite, et que quelles que soient mes convictions, on me taxera de facho si je persiste dans cette voie.

Bref… L’horizon paraît noir, et il m’a bien fallu compter sur les saucisses défiant mon appétit pour garder le moral.

Pourtant, je crois que si ces inquiétudes sont fondées pour la plupart, elles témoignent d’une méconnaissance absolue du contexte culturel en France, et comme j’ai bien réussi à convaincre mes commensaux, j’ai trouvé qu’il serait de bon ton d’expliquer dans une chronique pourquoi, si le combat est difficile, il est très loin d’être perdu d’avance.

D’abord il faut admettre que de récents débats ont attiré l’attention du public sur le problème de l’art contemporain. Avec les affaires Piss Christ, Castellucci (le titre de son œuvre est gavant à écrire), ou Golgotha Picnic, qui ont de très, très loin dépassé le clivage extrême-droite/reste du monde, le public a été amené à s’interroger sur l’usage des impôts, l’impunité des artistes, le respect des convictions religieuses, que la République promet toujours sans jamais le garantir.

Cette prise de conscience est nouvelle. J’ai même versé ma petite larmichette sur la naïveté des personnes qui pensent réellement que ces quelques œuvres étaient les preuves d’un redoublement de la christianophobie, comme si les pièces étaient parfaitement respectueuses jusque là, et comme si tout s’était maintenant calmé…1

En donnant de l’élan à notre action, ces prises de conscience rappellent celles qui survinrent aux États-Unis dans les années 70 (cf. pour en savoir plus l’excellente étude de Aude de Kerros intitulée Les guerres culturelles en France et en Amérique, téléchargeable sur le site sauvonslart.com).

Pourquoi, après tout, la France aurait-elle moins de chances d’évoluer ?

J’étais un jour dans un de ces grands salons parisiens officiels, quand un copain (artiste de gauche) m’apostropha en me reprochant un récent article publié sur Sauvons l’art ! « Fais attention, me prévenait-il le doigt en l’air et pour mon bien, car ça frôle le propos d’extrême droite ! »

Pour commencer ce n’était pas de chance pour ses idées toutes faites, car l’auteur de la chronique en question était précisément très à gauche de l’échiquier politique. Je lui répondais donc amusé, et nous entamâmes une discussion à bâtons rompus sur le sort de l’art en France. Comme mon interlocuteur était, préjugés mis à part, de bonne volonté, nous tombâmes rapidement d’accord sur l’urgence de la situation. Mais ce qui me surprit ce jour-là, c’est de constater que les réguliers du salon, quoique bien peu concernés par ce thème, s’étaient passionnés pour la discussion et affirmaient penser depuis longtemps qu’il fallait faire quelque chose.

Cet épisode est symptomatique d’un état d’esprit français. Le fonctionnement par tiroirs d’abord (on met les gens dans des cases bien identifiées desquels ils ne peuvent sortir qu’en prêtant allégeance à tel ou tel lobby), mais aussi la fierté du combattant, toujours vivace dans notre beau pays.

Car à tous ceux qui me serinent que notre combat est passéiste ou politiquement à droite, qu’ils aillent donc lire les très récentes actualités sur le sujet ! Qu’ils aillent lire la nouvelle pétition des étudiants de l’école d’art d’Avignon (le syndicat SUD serait-il devenu fasciste lui aussi ?), qu’ils relisent la récente tribune du Monde (13 août dernier) demandant qu’on diminue pour moitié les subventions à la culture !

Il fallait être aussi au dernier colloque de la Maison des artistes (pas franchement d’extrême-droite) pour sentir la frustration et l’énervement des adhérents devant les injustices qui plombent le monde de l’art…

Plus ancien mais non moins intéressant, Jean Baudrillard serait-il un affreux réactionnaire quand il dénonçait le 20 mai 1996 dans les colonnes de Libération l’anéantissement de l’art ?

Le constat semble même consensuel puisque Luc Ferry a récemment dénoncé l’imposture de l’art contemporain dans un billet écrit pour Le Figaro en juillet dernier !

Soyons sérieux ! Les choses bougent et nous n’y sommes pas pour rien.

Malgré le silence des médias et des blogs prétendument amis, nous savons que nous sommes lus.

Malgré le désintérêt des donateurs, nous avons suffisamment pour agir.

Malgré les guerres de chapelles, tous sont heureux que Sauvons l’art ! relaye les pensées dans leur diversité et les artistes nous sont reconnaissants de leur fournir une tribune.

Malgré les avertissements brandis par les accusateurs publics, les gens de tous horizons politiques continuent d’affluer et de nous témoigner leur soutien.

On m’oppose la crise ? Elle est pour moi un motif supplémentaire. Car comment enthousiasmer les gens et repousser le taux de suicide si ce n’est en délectant la France de toutes ces belles choses passées et à venir ? Quand l’argent se fait rare, n’est-ce pas un motif supplémentaire de lever l’opacité scandaleuse sur l’utilisation des impôts au profit de l’anart ?2

La seule vraie difficulté que nous rencontrons est de persuader les gens de l’urgence du changement, mais grâce à vous tous, ce fardeau est chaque fois un peu moins lourd.

Notre besace est pleine de projets, et notre cœur rempli d’enthousiasme.

Traitez-nous de suicidaires si vous voulez, mais nous sommes de joyeux suicidaires, car nous savons que la joie appelle la beauté, et que celle-ci est immortelle !

Notes

1 Conseillons à ces quelques candides la lecture de Sacré art contemporain, de Aude de Kerros, qui établit le parcours de l’art sacrilège en France.

2 Cf. le rapport Warlin, à télécharger toujours sur Sauvons l’art !

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