Frédéric Mitterrand : «Un prestidigitateur mélancolique»

Le Figaro a donné la parole à plusieurs professionnels de la culture. Ceux-ci s'expriment sur l'action du ministre de la Culture, Frédéric Mittérand. Depuis sa nomination en 2009, l'homme a suscité espoirs et mécontentements.

Alexandre Gady : «Un prestidigitateur mélancolique»

«Passée la surprise du coup politique de sa nomination, Frédéric Mitterrand a suscité de grands espoirs dans les milieux du patrimoine, où sa sensibilité et son goût pour les monuments et les musées sont connus. Son passage à la Villa Médicis avait d'ailleurs été bé
né­fique pour une institution malmenée par le précédent directeur. Las, les grands espoirs sont faits pour susciter de grandes déceptions! M. Mitterrand aura été désespérément silencieux sur tous les grands dossiers du moment, comme le projet de location de l'hôtel de la Marine; la densification des serres d'Auteuil; la dénaturation de centres-villes anciens, tels Orléans ou Metz… Rien non plus sur le grave problème des éoliennes, qui menacent les paysages historiques, comme au Mont-Saint-Michel. N'ayant pu forcer son courage, ni surmonter sa faiblesse originelle -l'absence totale de relais politiques-,  ce prestidigitateur mélancolique aura souvent paru spectateur du rôle qu'il était cens&
eacute; jouer.»

Alexandre Gady est président de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique  de la France, professeur des universités.

 

Guillaume Cerutti : «Un défenseur de l'exception culturelle»

«Frédéric Mitterrand dispose tout d'abord d'une qualité appréciable pour un ministre de la Culture: il est en empathie avec le milieu artistique, qu'il connaît bien pour en être lui-même issu. Il a également su bien défendre le budget de son ministère dans un contexte économique peu propice, ce qui a permis de maintenir à flot les projets d'équipement qui ont été lancés ces dernières années, notamment la Philharmonie, voire d'imaginer de nouvelles initiatives, comme le Centre national de la musique, qui devrait voir le jour d'
ici peu. Ce faisant, Frédéric Mitterrand s'est inscrit dans la lignée des ministres défenseurs de l'exception culturelle française. À son crédit figurent aussi quelques coups d'éclat, le dernier en date étant la remise sur les rails de la donation de la collection d'œuvres contemporaines d'Yvon Lambert, probablement le plus important enrichissement des collections publiques depuis la dation Picasso il y a près de quarante ans. Cependant, il laisse en chantier plusieurs questions cruciales, comme le rayonnement de la culture et de la création françaises dans le monde, la relance de la décentralisation culturelle, la politique en faveur des industries culturelles, le développement de moyens alternatifs de financement de la culture… Ces domaines ont besoin de réformes ambitieuses qui ont été différées depuis trop longtemps. Enfin, m&
ecirc;me si la défense du droit d'auteur à l'ère numérique doit rester une des priorités, la mise en œuvre de la loi Hadopi a brouillé l'image du ministère auprès des jeunes publics: il faudra repenser globalement la politique culturelle en direction des jeunes pour lui donner plus de lisibilité, plus d'équilibre, plus de moyens.»

Guillaume Cerutti est président-directeur général de Sotheby's France.

 

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