La renaissance est en marche !

Imaginez que la création artistique en France ne soit plus directement financée par l’État, qu’il y ait une véritable diversité dans les œuvres d’art, que l’esthétique refasse son entrée dans notre monde, que vous puissiez acheter des tableaux sympas à mettre au dessus de votre canapé sans exploser votre budget…

Non. Ce n’est pas un poisson d’avril, mais des propositions très sérieuses que je défendrai devant le Sénat le 11 janvier prochain, lors d’un colloque organisé par Sauvons l’art !

Il aura fallu pour rédiger ces propositions de la patience et beaucoup de temps. L’art a cette particularité d’exciter les subjectivités de tous poils, et sa définition fut si déformée que les théories les plus contradictoires sont défendues avec passion. Par ailleurs, les gens se sont habitués à critiquer, sans pour autant faire des propositions. Il fallait donc mettre la main à la pâte.

De quoi s’agit-il ?

Partons déjà d’un constat. Si l’art esthétique en France existe toujours, il est caché (d’où le titre L’art caché, d’Aude de Kerros). Le seul « art » véritablement visible est l’anart, lancé par Marcel Duchamp et dynamisé à grands coups de subventions par l’État dans le cadre de l’art contemporain.

Il faut donc (il paraît que c’est la moindre des choses en démocratie) injecter de la diversité dans la création artistique en France. J’ai déjà eu l’occasion d’aborder dans un éditorial la fausse bonne solution de retirer l’État du financement. Une telle démarche reviendrait aujourd’hui à laisser l’art esthétique se faire désintégrer par l’anart, que les gouvernements ont proclamé « art officiel » et que les riches financent exclusivement.

Que l’État achète un tableau ou une statue pour un de ses bâtiments (préfecture, palais, etc.) est parfaitement légitime, et même recommandé pour la grandeur de la France, tant que ces dépenses restent motivées (proposition n°5), raisonnables et contrôlées par la Cour des comptes (proposition n°3). Mais comment donc expliquer ces millions d’euros placés dans des installations qui, de surcroît, n’intéressent réellement que ceux qui s’y gargarisent, comme Monumenta, par exemple, mais aussi comme le catalogue du Fond National d’Art Contemporain, dont les œuvres sommeillent parfois depuis plus de 10 ans dans les entrepôts ?

Par ailleurs la Cour des comptes n’a aujourd’hui aucun regard sur les achats d’oeuvres d’art faits avec des subventions publiques et, pire encore, le contribuable ne peut en fait accéder aux informations puisqu’un avis du Conseil d’État de 1997 couvre ces opérations du secret commercial !

Il faut se rendre à l’évidence, l’art est donc le dernier domaine dans lequel il est possible d’utiliser l’argent du contribuable de façon totalement opaque. Une plus grande transparence, voilà donc ce qu’exige notre proposition n°1.

Entre financement à tout va et retrait total d’aide étatique, il fallait donc trouver une solution équilibrée. L’État peut et doit financer les écoles d’art et les salons, mais pas la création elle-même, qui doit être dynamisée par le marché de l’art c’est-à-dire, contrairement à ce qu’on entend souvent, aussi par des connaisseurs, ce qui devrait rassurer ceux qui méprisent le peuple pour ses goûts (ce qui est d’ailleurs réciproque). Pour être vivant, ce marché doit cependant être rendu accessible au Français dit « moyen, » qui se rabat aujourd’hui faute de mieux sur la culture de masse. Et puisqu’on m’objecte que le seul marché ne saurait faire vivre les artistes, spécialement en période de crise, notre proposition n°9 propose une défiscalisation sur l’achat d’oeuvres d’art. Cette mesure aurait le mérite de créer un vrai métier rémunérateur, celui d’artiste, d’augmenter le patrimoine des familles et d’alléger les dépenses publiques.

Proposer que l’État finance malgré tout écoles et salons, c’est bien entendu exiger que les écoles d’art cessent d’exclure l’art esthétique, poussé sur nos rivages par la patiente sagesse des âges. Depuis le temps que, magnifique princesse exilée, la beauté a été bannie des écoles d’art, il faut maintenant rétablir la balance entre l’art fondé sur la transgression, et l’art fondé sur la beauté. C’est l’objet de notre proposition n°8, qui vise à rétablir des écoles de transmission, où les élèves recueillent la quintessence d’un savoir forgé par les âges, où les maîtres enseignent leur savoir comme leurs innovations.

Des lieux vivants quoi !..

Ne rêvez pas. Pour aussi évidente qu’elle soit, cette proposition ne pourrait voir le jour aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que ceux qui pilotent la création au Ministère de la culture sont tous néo-duchampiens (c’est-à-dire de bons petits soldats de l’anart). Il ressort donc que, pour injecter de la diversité dans les écoles et les salons, il faut d’abord injecter de la diversité dans le Corps des inspecteurs de la création artistique (proposition n°2). Ce corps doit être refondu en tenant compte de ceux qui connaissent et transmettent l’héritage des génies artistiques d’antan, et qui sont capables de poser un authentique jugement esthétique.

Pourtant, là encore, une telle mesure ne serait pas possible. Où, en effet, pourrait-on trouver ce souffle nouveau dans la création artistique, alors que la France n’a plus (peu de gens imaginent à quel point nous avons touché le fond) de chaire d’histoire de l’art ? Il faut donc recréer une force de la transmission et de la mémoire, en créant une chaire d’histoire de l’art (proposition n°6). Les plus éminents de ces historiens pourraient alors siéger dans le corps de ces inspecteurs de la création, doublés par exemple par des membres de nos prestigieuses académies.

L’histoire de l’art est en effet un vaccin. Non qu’elle ne puisse être gangrenée par l’idéologie (par exemple un historien trompeur qui prétendrait que l’art a toujours été subversif et occulterait tous les faits qui démontrent le contraire, suivez mon regard !) mais son souci des faits et de la réalité la rend cependant moins sujette à la duperie. De ce fait, il est tout à fait déplacé de prétendre enseigner l’art sans enseigner l’histoire de l’art. C’est l’objet de la proposition n°7.

Finalement ces propositions peuvent se résumer en trois mots : transparence, contrôle, et diversité. Tout le contraire du totalitarisme, en somme.

Je ne vous ai pas parlé de la proposition n°4, parce que le déchaînement qu’elle suscite justifiera probablement un futur article. Il s’agit de la proposition d’interdire la subvention d’oeuvres de nature à troubler l’ordre public, à porter atteinte à la dignité humaine ou aux convictions religieuses. Disons simplement qu’entre la censure aveugle et la liberté d’insulter, cette solution qui laisse les spectacles à la discrétion des fonds privés est la meilleure.

Voilà donc les propositions que je défendrai au Sénat lors du colloque que nous organisons en janvier prochain. La salle sera composée de politiques, de journalistes, et de responsable du monde de l’art. Parmi les intervenants, il y aura aussi Rémy Aron, qui dirige la Maison des artistes, Pierre Souchaud, de la revue Artension, Christine Sourgins, Aude de Kerros et Marie Sallantin, qui présentera pour l’occasion son livre intitulé Le livre noir de la peinture.

Il ne nous reste plus qu’à trouver 1500 € avant fin décembre pour organiser tout ça et là, on fait beaucoup moins les malins… D’autant que nous avons reçu les parrainages nécessaires et que la salle est maintenant bloquée pour nous.

A vot’ bon cœur Messieurs dames !

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