Vive l’art contemporain !

« Comment ça « vive l’art contemporain » ? Et puis quoi encore ? Moi qui croyait que Sauvons l’art ! était une association sérieuse !!! »

Allons, cher lecteur ou chère lectrice ! Acceptez de prêter l’oreille (ou l’oeil plutôt) aux lignes qui vont suivre. Car derrière ce titre provocateur sommeillent quelques questions cruciales pour l’histoire de l’art, son actualité et, indubitablement, son avenir. Oui, rien que ça ! Car parler d’art contemporain c’est déjà parler d’un « art », risquer l’anathème par les déjà anathèmes du prêt-à-penser. L’art contemporain est-il vraiment un art ? Et d’ailleurs comment une forme d’expression qui date du début du XXe siècle pourrait-elle, 100 ans plus tard, prétendre être d’aujourd’hui ? Enfin, si elle le pouvait, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les œuvres de Michel-Ange ?

On voit toute l’ambiguïté du terme : si l’art contemporain est d’aujourd’hui, c’est qu’il n’est pas d’hier, et s’il n’est pas d’hier, inutile d’appeler de la sorte la fameuse Fontaine de Marcel Duchamp, pour beaucoup pionnière de l’art dit « contemporain » mais qui date, excusez du peu, de 1917 !

Et si on entend par « art contemporain » les œuvres d’art qui éclosent aujourd’hui dans les cerveaux plus ou moins malades de nos artistes actuels, alors il faudrait sérieusement songer à tous ces artistes merveilleux qui ne sont pas sous les projecteurs.

Et c’est là que le bât blesse ! Car dans l’art contemporain, ce qui est promu est cet art périmé qui fit la richesse de Duchamp. En fait, mon ami le citoyen de la même Ripoublique française a le choix entre deux formes d’art : l’art tourné vers le beau, qui est l’art du passé enfermé dans des musées (mon Dieu ! Pourvu qu’il n’en sorte pas ! Les gens seraient capables d’aimer !), et la création artistique, sponsorisée par notre très cher Ministère de la Culture, et contrôlée par le gorps des inspecdeurs de la gréazion ardisdigue (garde-à-vous ! Merci pour eux…). Cette dernière forme d’expression concerne à peu près toutes les charmantes sculptures que vous croisez dans les parcs, en aluminium ou en plastoc. Si vous trouvez ça moche, l’élite vous rira au nez. C’est vrai quoi, comme si le but de l’art était d’être beau. Daniel Buren1 n’explique-t-il pas sans rigoler dans un entretien accordé au très conformiste site Culture.fr du 3 août 2012 que, dans son œuvre, « les couleurs utilisées n’ont rien à voir avec un choix esthétique quelconque de [sa] part. » Sacré Dany !

 

Je sais, je sais… On va me dire que dans l’art contemporain certaines oeuvres sont belles, que tous les artistes ne sont pas comme ça, et patati et patata. Par facilité (et pour que l’article ne soit pas trop long !) je rappelle donc l’existence d’excellents ouvrages comme L’art caché, d’Aude de Kerros, Les mirages de l’art contemporain, de Christine Sourgins, ou les Petits et grands secrets du monde de l’art, de Danièle Granet et Michèle Lamour. Tous ces ouvrages démontrent de façon spectaculaire combien, en fait, l’esthétique est volontairement bannie de la création artistique, qu’on veut en revanche la plus subversive possible !

Il résulte de cet état de fait deux constats : d’une part une œuvre peut être belle accidentellement même dans l’art contemporain (si, si ! Je vous assure !), et d’autre part un certain nombre d’artistes qui ont (encore) une conscience de leur métier peuvent se revendiquer d’art contemporain (il ne faut pas se mettre à dos l’élite) tout en essayant de préserver discrètement une certaine esthétique.

Nous voyons donc que l’art contemporain, bien loin d’être tout l’art d’aujourd’hui, désigne en fait une seule forme d’expression. D’ailleurs, les structures responsables de l’art en France ne s’appellent-elles pas F.N.A.C (Fonds national d’art contemporain), F.R.A.C. (Fonds régionaux d’art contemporain) ?

Dès lors, le problème est le suivant : comment nommer cette activité ?

Bien des gens se sont risqués à l’exercice. Le commun des mortels l’appellent indifféremment « merde » ou « daube, » mais il faut reconnaître que la métaphore est un peu triviale. Les honnêtes gens parleront donc parfois d’ « installation » pour ne pas avoir à parler d’oeuvres d’art. Ce mot est tout à fait judicieux pour des tas de raisons (fabrication industrielle, ingénierie, caractère provisoire etc.), mais désigne plus les oeuvres que l’activité elle-même. Christine Sourgins, savoureuse historienne de l’art et citée plus haut, parle quant à elle d’ « AC » vouant ainsi cette activité aux Gémonies de l’acronyme ou du label.

En fait, cette dernière dénomination, pour aussi intelligente qu’elle soit, n’est pas entièrement satisfaisante parce qu’elle renvoie, qu’on le veuille ou non, à la dénomination « art contemporain. »

La solution à cet épineux problème de manipulation nous est offert par Marcel Duchamp lui-même, dont l’humour décalé m’a toujours éclaté. Je pense que ce type s’est moqué du monde avec une telle virtuosité qu’il mérite en cela un petit peu de ma considération (sa Fontaine, ne l’oublions pas, était une grosse blague avant d’être reprise par l’idéologie ambiante, obsédée par les révolutions et la subversion). Or ce bonhomme se désignait comme un « anartiste » (jeu de mots entre « artiste » et « anarchiste »). Il n’est pas besoin d’avoir inventé le paratonnerre pour en déduire qu’un anartiste fait de l' »anart ».

Anart… Le voilà ce mot tant attendu, cette manière de désigner une forme d’expression qui nie ce qui, jusqu’au XXè siècle, était de l’art.

De par sa paternité (ce n’est pas très gentil de refuser à Mamar sa propre invention) et ce à quoi il renvoie, ce mot est parfait. Il désigne à la fois le refus de l’art traditionnel et l’esprit du moment. Il est même en assonance avec ce qui préoccupe une très grande partie des anartistes célèbres (comme Vim Delvoye par exemple) : l’anal.

Mais on comprend que les copains rouges, ces grands fabricants de culture depuis, n’aient pas repris cette dénomination ! Anart, c’est « an » (préfixe privatif) suivi de « art.  » Comme « anarchie » signifie « sans ordre », « anart » voudrait un peu trop dire « sans art. » Pas facile à vendre, comme concept !

D’ailleurs, et c’est ma dernière question pour aujourd’hui (promis !), l’anart est-il un art ?

Si l’art, comme le veut notre bon vieux dictionnaire de l’Académie Française, est « une technique, une méthode, ensemble de procédés ou de règles propres à chaque genre de l’activité humaine et qui vient s’ajouter aux dons naturels, » alors nous sommes forcés de reconnaître que l’anart est de l’art. Car détrompez-vous ! Il en faut du temps et de l’ingéniosité, pour produire les horreurs qui peuplent nos parcs et nos jardins !

Tout le problème vient en fait d’une autre confusion charriée par l’histoire. Le bon peuple de France a progressivement fusionné les termes « art » et « beaux-arts, » prêtant à ce qui n’était pas centré sur le beau mais néanmoins une vertu de l’intelligence pratique dans le domaine du faire (oulà je m’emballe !) le doux nom d’ « artisanat. » De ce fait, dans l’opinion publique, art = beaux-arts. Et si anart = art, anart = beaux-arts, ce qui invite le toujours aussi bon peuple, malgré les protestations véhémentes des anartistes, à croire que les horreurs susnommées sont belles (mouahahaha !).

En résumé donc, l’art contemporain est l’art d’aujourd’hui. Il contient entre autres l’anart et les beaux-arts. L’anart est le seul qui soit effectivement financé par l’Etat, faisant des beaux-arts une discipline ringuardisée.

Alors vive l’art contemporain, et à bas l’anart, l’anal et les nanards ! Na !


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1 Vous savez, le pote de François Hollande qui a pondu les fameuses colonnes et qui, entre de multiples récidives, a émerveillé les yeux de notre charmant président avec Monumenta !

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