Si l’art contemporain a autant décroché du local et de toute inscription dans une culture enracinée quelque part et vivante, s’il est devenu hors-sol, s’il s’est débarrassé de tous critères esthétiques et moraux, s’il s’est vidé de toute substance vraiment sensible, poétique et artistique, pour n’être que pure absence, c’est tout simplement parce que, seul, le Rien peut être totalement intemporel, avoir valeur universelle et donc… internationale.
L’internationalité va avec la contemporanéité et lui est indissociable.
Buren est un «plasticien français reconnu internationalement ». Point barre . Il est connu pour être connu. Son absence d’art revendiquée dès le départ lui a permis de s’internationaliser très rapidement car le rien est facile à faire circuler, transporter et à échanger.
Le schtroumpf est émergent « sur la scène artistique internationale ». Le schtroumpf doit se déraciner, se distancier, se déterritorialiser, se formater à l’espace illimité et inter-planétaire de l’inepte, pour mieux s’envoler vers l’universalité du Rien. Ses textes sont toujours assortis de la traduction en anglais, langue de l’international. Art Press, organe officiel de l’art contemporain français, contient une traduction simultanée en anglais de ses cuistreries langagières. La moitié des titres d’expos en FRAC, musées et petites galeries municipales subventionnées sont en anglais, idiome du chic branché, de la distinction de classe méprisant le local, le vicinal, le départemental, le régional et même le national…méprisant donc le bouseux régionaliste, voire nationaliste, franchouillard et « réactionnaire ».
Cette double dimension internationale et/ou contemporaine de l’art officiel, ne pourrait exister s’il était encombré du moindre contenu tangible, de la moindre substance vivante.
Et c’est bien cette double aptitude, ainsi acquise par l’art quand il se vide de toutes entrailles et se réduit à son seul concept, qui en fait un surpuissant instrument de pouvoir et de coercition aux mains des fonctionnaires, professeurs, bureaucrates et autres nervis patentés du ministère de la culture, qui peuvent, dès lors, combler cette absence par un discours d’autant plus terrifiant et sophistiqué qu’il est sans objet, ou qu’il n’a d’autre objet que lui-même. …C’est le principe des logiques totalitaires et de certaines psycho-pathologies.
Et c’est bien également cette double dimension qui fait de l’art contemporain un vecteur privilégié de marketing « de luxe » et de communication « à l’international », aussi bien pour les politiques culturelles municipales, que pour les sacs Vuitton et les champagnes Machin.
Et c’est bien enfin cette double évanescence, qui fait de cet art le produit spéculo-boursier idéal pour une « titrisation du néant » d’autant plus fulgurante et performante dans ses possibilités d’ enflure exponentielle, qu’elle n’est alourdie d’aucune matière artistique et qu’elle n’est attachée à aucune réalité.
Nicole Esterolle
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